Ne pas « peser » sur la planète, même mort ?

Ne pas « peser » sur la planète, même mort ?

2 novembre 2017. En ce jour des morts, je mets en ligne le dernier chapitre de L’art d’avancer en âge, le livre que j’ai coécrit en 2014 avec Martine Laganier.

Réfléchir à la meilleure façon de rejoindre sa dernière demeure est une bonne manière de mieux respecter les vivants. Selon une étude Sofres récente, 36 % des familles se disent « sensibles à la protection de l’environnement » dans leur choix funéraire.
En France, l’offre funéraire de cercueils « verts » reste confidentielle, et la majorité des entreprises de pompes funèbres pensent davantage à leur marge bénéficiaire qu’à la protection de l’environnement et à la santé des populations.
La crémation, souvent considérée comme plus écologique, car nécessitant moins d’espace que l’inhumation, pose aussi certains problèmes.
Pourtant, les habitudes funéraires des Français évoluent. Ils se soucient de plus en plus, avant leur mort, de ne pas participer après à la pollution de la planète.

Les incidences écologiques

Depuis de nombreuses années, l’AFIF (Association française d’information funéraire, seul organisme qui s’adresse aux consommateurs et donne des renseignements précis et utiles permettant de faire le tri dans les offres des pompes funèbres face auxquelles, bien souvent et vu les circonstances, on est particulièrement démuni) dénonce la pollution liée à l’inhumation et à la crémation.  Pollution des nappes phréatiques pour la première, de l’air pour la seconde. « Aujourd’hui, constate Michel Kawnik, responsable de cette association, seuls quelques-uns des 140 crématoriums  français possèdent des filtres permettant d’éviter les rejets de métaux lourds, de dioxine et de mercure (4 à 5 g d’amalgames dentaires en moyenne par personne). Une attitude invraisemblable compte tenu de l’augmentation croissante du nombre de crémations – près de 30 % des décès à l’heure actuelle – et de la parfaite connaissance des conséquences de cette pollution sur la santé. Tous les pays européens sont équipés de filtres. En France, une circulaire ne les rend obligatoires qu’à partir de 2018... Pourtant, des études montrent que le surcoût par personne pour une crémation sans pollution serait inférieur à 20 euros ! »
Selon les Nations Unies, la crémation contribue à 0,2 % des émissions mondiales de dioxine et de furane. C’est également la deuxième source de mercure en suspension dans l’air en Europe, à cause des fameux amalgames dentaires. « De plus, lors de la crémation, insiste Michel Kawnik, on devrait utiliser un cercueil en contreplaqué sans vernis, pour éviter les colles et la térébenthine, comme au Danemark. Mais dans notre pays, les pompes funèbres sont très conservatrices et, pour des raisons essentiellement financières, poussent les familles à acheter du bois massif. »

Les cercueils

L’offre essentielle des entreprises de pompes funèbres consiste en des cercueils en bois massif, des bois souvent précieux (santal, acajou…) qui viennent du bout du monde et sont traités avec des produits toxiques pour voyager : vernis, teintures, peintures biocides, plomb... « Face à la demande écologique, la filière répond pour l’instant par une gamme éco-responsable sans vernis ni peinture et dont le capitonnage est biodégradable. Mais ils sont chers et rarement proposés. Et cela n’évite pas de continuer à couper les arbres », insiste Michel Kawnik. On trouve dans le choix funéraire numéro 2 des réseaux de pompes funèbres classiques un cercueil en bois « éco-conçu », sans solvant, composé de bois issus de forêts « durablement gérées », et de capitons en matière naturelle.
La vente de cercueils en carton biodégradable connaît aujourd’hui une croissance importante dans certains pays comme la Belgique, la Suisse et la Grande-Bretagne. La fabrication de ces cercueils nécessite huit fois moins de bois que celle d’un cercueil classique. Leur utilisation préserve donc les forêts et l’environnement pour les générations futures.
Les distributeurs de pompes funèbres éprouvent un enthousiasme limité pour le cercueil en carton, un produit peu rentable. « Un modèle en carton coûte de 200 à 350 euros, c’est-à-dire beaucoup moins cher que les autres. Ils sont composés de fibres recyclées sans chlore, de colle végétale et de peintures à l’eau. Ils sont aujourd’hui disponibles chez AB crémation, des pompes funèbres près de Nîmes, mais le lobbying des pompes funèbres fait de l’obstruction et cette société peine à les diffuser et à se faire connaître. L’argument est aussi qu’au moment de la combustion, ils boucheraient les filtres des crématoriums… Ce qui est totalement faux.  Mais il faut savoir que ce sont les sociétés de pompes funèbres qui gèrent aussi les crématoriums… Et que, comme par miracle, dans les autres pays, ils ne bouchent pas les filtres. Ces produits écologiques non polluants existent depuis 1998 et notre association s’engage à soutenir les entreprises qui voudront agir avec courage, intelligence et responsabilité. » Ce produit convient aussi bien pour l’inhumation que pour la crémation (le temps d’incinération de 90 minutes est deux fois plus court que pour un cercueil en bois).
Une entreprise française commercialise depuis peu un cercueil biodégradable en cellulose fabriqué à partir de journaux recyclés, qu’on peut recouvrir d’une coque amovible en bois le temps de la procession : www.eco-cerc.fr

Les soins de conservation

En France et en Angleterre (70 % de crémation aujourd’hui, car il n’y a plus de place pour enterrer les morts, et les réductions de corps sont interdites), ces soins de présentation (thanatopraxie) sont systématiquement proposés. La thanatopraxie, qui limite provisoirement le processus de putréfaction, est très pratiquée en France, sans aucune réglementation, à la différence des autres pays européens où ils sont interdits lorsqu’il y a crémation. Non seulement ces injections de formol polluent la nappe phréatique, mais elles émettent de la dioxine et sont délétères pour les personnes qui les manipulent. « Si elles peuvent être conseillées lors d’un transfert de corps, elles doivent être proposées avec discernement. Aujourd’hui, la plupart des personnes meurent à l’hôpital et vont de celui-ci dans une chambre funéraire munie de chambres froides. Lors d’une mort à domicile, la glace carbonique fait très bien l’affaire. Il est de la responsabilité des professionnels de la santé et du funéraire de rechercher d’autres techniques excluant l’utilisation de ces produits dangereux. » L’injection d’une dizaine de litres de produits formolés est donc à proscrire pour qui veut préserver l’environnement !

Habits et tombe

On pensera à habiller le défunt de préférence à l’aide de fibres naturelles. Et on hésitera à choisir une onéreuse pierre tombale en marbre, non seulement à cause du coût, mais aussi parce que sa production est génératrice de carbone (il vient la plupart du temps d’Asie).

Jardins et arbres de mémoire

En Grande-Bretagne et en Suisse, de nombreux cimetières naturels ont vu le jour. L’espace est aménagé et entretenu de la façon la plus naturelle possible. Une fois pleins, ils retournent à la nature. En Allemagne, les cimetières forestiers rencontrent un grand succès : les urnes sont enterrées au pied d’arbres sur lesquels est fixée une petite plaque avec le nom du défunt. Il n’existe qu’un seul jardin de mémoire en France, à Auray, dans le Morbihan. On vous y propose un arbre assuré et garanti de 1 à 99 ans. Vous disposez de l’arbre-mémoire à votre convenance, vous pouvez y recevoir votre famille et même vos amis si vous le souhaitez. C’est votre arbre, tout simplement.
Voir aussi le parc funéraire près d’Angers.
Quant aux cendres, il existe désormais des urnes écologiques, et la possibilité de les déposer et les enterrer près d’un arbre.

Dispersion des cendres

Il existe aujourd’hui une législation (loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire) qui interdit de répandre les cendres n’importe où et n’importe comment. Elles doivent être soit conservées dans l’urne, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur d’un cimetière, soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet dans un cimetière (Jardin du souvenir), soit dispersées en pleine nature (après déclaration à la mairie), sauf sur les voies publiques. Plus de détails sur le site de l’AFIF : Destinée des urnes et cendres cinéraires.

Le coût des obsèques

On l’estime à 4 000 euros en moyenne. Mais les devis peuvent considérablement varier d’une entreprise à une autre et d’une région à l’autre (de 1 300 à plus de 6 000 euros, selon une enquête de l’UFC-Que choisir). Il ne faut pas hésiter à faire jouer la concurrence, même si l’on n’a pas trop la tête à cela dans ces moments. La crémation reste toujours moins onéreuse. À savoir : en juillet 2012, les Services funéraires de la ville de Paris (SFVP) ont lancé le premier service d’obsèques « low cost » en ligne (Révolution obsèques), pour 789 euros TTC. Voir aussi Le Choix funéraire (LCF), un groupe mutualiste, et sa filiale à « prix cassés », Écoplus Funéraire.

 

Les contrats obsèques

Il en existe de deux sortes : les contrats de prestations d’obsèques à l’avance, qui sont proposés par les entreprises de pompes funèbres, et ceux qui consistent dans le versement d’un capital à une personne désignée pour l’organisation de ses funérailles, qui sont proposés par les banques et les assurances.
On choisit le montant estimé nécessaire au financement de ses obsèques et l’on fait soit un versement unique, soit des versements réguliers pour atteindre ce capital. On reste libre de modifier tout cela à tout moment. On y pense généralement à partir de la soixantaine. Cette sorte de contrôle sur ses funérailles est une manière de se rappeler que l’on est mortel. On peut aussi tout simplement verser la somme nécessaire sur un livret d’épargne. On pensera à prévenir ses proches. L’idéal est de remettre une copie du contrat à la personne qui sera chargée d’exécuter ses dernières volontés.

 

Un livre vient de paraître, avec toutes les informations nécessaires et à jour sur le sujet : Funérailles écologiques. Pour des obsèques respectueuses de l’homme et de la planète, de Brigitte Lapouge-Déjean et Laëtitia Royant (éditions Terre vivante, 2017).

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A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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