Sommeil, gènes et parentage nocturne

Sommeil, gènes et parentage nocturne

Chronique parue dans le n° 74 de Grandir autrement.

J’ai retrouvé récemment une étude de 2013 montrant que la génétique est pour beaucoup dans la façon dont les bébés dorment la nuit [1].
Ce qui expliquerait que certains bébés (même allaités !) « font leurs nuits » dès 1 ou 2 mois. Et, a contrario, que d’autres qu’on a essayé d’ »entraîner » à dormir continuent à se réveiller pendant encore longtemps
Un article présentant l’étude titrait d’ailleurs : « Sleep Training Debunked », soit « l’entraînement au sommeil déboulonné », ajoutant que les coachs en « sleep training » pourraient avoir besoin de se trouver un nouveau job (je vous rassure : ces « spécialistes », qui représentent une véritable industrie aux États-Unis, ont encore de beaux jours devant eux…).

Facteurs génétiques

L’étude a été faite sur 995 paires de jumeaux québécois, nés entre 1995 et 1998, dont les mères ont rapporté les habitudes de sommeil à 6, 18, 30 et 48 mois
Alors que les siestes diurnes semblaient, surtout à 2 ans, influencées positivement par des facteurs environnementaux (notamment un espace de sommeil au calme et dans l’obscurité), le sommeil nocturne (en particulier la durée de sommeil sans réveil) dépendait lui fortement de facteurs génétiques : à 47 % pour les bébés de 6 mois, à 58 % pour les bambins de 30 mois et à 54 % pour ceux de 48 mois
À noter que le sommeil semblait être plus fragmenté que ne le pensaient les parents : les enregistrements vidéo d’un sous-groupe ont montré que même les « bons dormeurs » se réveillaient trois fois par nuit en moyenne.

Parentage nocturne

Ce que signifie cette étude, c’est que si le bébé se réveille la nuit, ce n’est pas parce que ses parents sont nuls, ont raté le coche, n’ont pas fait leur travail de l’ »entraîner » à dormir, etc. C’est bien plutôt en raison de ses prédispositions génétiques, qui concernent au final pas mal de bébés
Comme le dit l’article cité, cela veut aussi dire que toutes les méthodes consistant à laisser le bébé pleurer s’il se réveille (plus ou moins et plus ou moins longtemps, voir Richard Ferber et compagnie) ne marcheront jamais avec certains bébés qui « sont programmés pour se réveiller pendant la nuit quoi qu’il arrive, et ont besoin d’être réconfortés quand ils se réveillent. Autrement dit, ignorer les pleurs d’un bébé qui est génétiquement programmé pour se réveiller fréquemment ne l’aidera pas à changer ses habitudes de sommeil ».

Je dirais même plus : tous les bébés ont besoin d’être réconfortés quand ils se réveillent la nuit, génétiquement prédisposés ou pas ! D’ailleurs, comment savoir si son bébé est génétiquement prédisposé à se réveiller ou pas ?! Comme je dis souvent, nos bébés naissent tous prématurés (d’après le paléontologue Pascal Picq, « la grossesse dans notre espèce devrait durer 18 mois pour permettre au bébé d’atteindre sa maturité cérébrale »). Cela implique un très fort besoin de contact dans les premiers mois. Et pourquoi ce besoin de contact disparaîtrait-il entre 8 heures du soir et 8 heures du matin ?! [2]

 

[1] Touchette E et al, Genetic and Environmental Influences on Daytime and Nighttime Sleep Duration in Early Childhood, Pediatrics 2013 ; 131(6) : e1874-80.
[2] Pour en savoir plus sur le sujet, voir mon petit livre Le cododo, pourquoi, comment, 2018.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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