Doit-on « apprendre à dormir » aux enfants ?

Doit-on « apprendre à dormir » aux enfants ?

Certains bébés ont de vrais problèmes de sommeil, dont l’explication peut être psychologique ou physique (une intolérance aux protéines de lait de vache peut par exemple être la cause d’un sommeil perturbé). Dans ces cas, un changement alimentaire, une séance d’ostéopathie, une consultation psy… peuvent grandement améliorer les choses.
Mais beaucoup de parents consultent pour des « problèmes de sommeil » qui n’en sont pas. Il s’agit le plus souvent de multiples réveils nocturnes, et non de véritables insomnies, qui voudraient dire que l’enfant reste des heures éveillé. Ces réveils inquiètent les parents : cela ne correspond pas à leur attente, et ils pensent donc qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez leur bébé ! De plus, ces réveils les épuisent, car l’enfant n’étant pas proche d’eux pendant la nuit, ils doivent se lever plusieurs fois pour aller le voir, ce qui les réveille complètement ; pour peu qu’ils aient du mal à se rendormir, ils finissent, eux, par avoir de vrais problèmes de sommeil, alors que leur enfant, lui, n’en a pas…
Neuf fois sur dix, il ne s’agit donc pas d’un problème de sommeil chez le bébé mais d’un problème d’organisation des nuits, qui serait facilement résolu par l’adoption d’une forme ou une autre de co-sleeping. Au lieu de cela, on conseille généralement aux parents une méthode quelconque d’« apprentissage du sommeil », qui consiste le plus souvent à laisser pleurer l’enfant selon un planning bien réglé.
La plus connue de ces méthodes est celle de Richard Ferber, dont l’ouvrage Solve Your Child’s Sleep Problems (en français : Protégez le sommeil de votre enfant, ESF, 1990) s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires.
Comment procède-t-on pour « ferberiser » (to ferberize, en anglais) son bébé ?
Les parents doivent poser le bébé dans son berceau, quitter la pièce et ignorer ses pleurs. Ceux-ci peuvent durer vingt à trente minutes avant qu’un des parents soit « autorisé » à retourner le voir. Il peut alors donner de petites tapes à l’enfant, mais sans le prendre dans les bras, puis doit rapidement quitter à nouveau la pièce, après quoi, généralement, les pleurs reprennent. Au bout d’un certain temps, le sommeil finit par venir, mais le rituel se répète à chaque réveil de l’enfant tout au long de la nuit. Les choses se passent de la même façon la nuit suivante, sauf que les parents doivent attendre cinq minutes de plus avant le tapotage autorisé. Cela dure une semaine, deux semaines, voire même un mois…
Pour moi, le but de cette méthode cruelle est clair : il ne s’agit pas tant d’apprendre aux enfants à dormir que d’apprendre aux parents à ignorer les appels de leurs enfants et à réprimer leur tendance naturelle à y répondre sans délai.
Dès 1957, dans son ouvrage L’Enfant et sa famille, le pédiatre et psychanalyste britannique Winnicott avait bien analysé ce qui se cache derrière les avis de ce genre d’« experts » en puériculture : « Des sentiments tellement forts dérivent des liens intimes, corporels et spirituels qui peuvent exister entre un bébé et sa mère, que les mères tombent facilement sous la coupe de personnes dont les avis semblent dire qu’on ne devrait pas se laisser aller à de tels sentiments. »

Extrait de Le cododo, pourquoi, comment

Voir aussi Quelques conséquences du « laisser pleurer », sur les effets d’un tel « apprentissage du sommeil ».

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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