Se sacrifier pour ses enfants ?

Se sacrifier pour ses enfants ?

Les parents pratiquant un maternage proximal (et plus particulièrement les mères) sont souvent qualifiés de « masos » prêts à tout sacrifier pour leurs enfants et ce qu’ils pensent être leurs besoins, au risque de négliger complètement leurs propres besoins. Est-ce exact ? Y a-t-il réellement « sacrifice » ? Et si oui, n’y aurait-il pas un bénéfice à ce « sacrifice » ?

Pas plus fatigant, peut-être même moins

Les pratiques de maternage proximal, en particulier l’allaitement et le cododo, sont souvent accusées de provoquer une fatigue excessive chez les nouveaux parents. Pourtant, les études disent exactement le contraire. Ainsi, une étude faite en 2002 [1], qui a comparé des femmes allaitant exclusivement, des femmes nourrissant leur bébé au lait industriel, et des femmes non enceintes et non allaitantes constituant le groupe témoin, a trouvé que le temps total de sommeil et la durée du sommeil paradoxal étaient proches dans les trois groupes, et que le temps de sommeil profond – qui est le plus réparateur – était plus élevé chez les femmes allaitantes (182 minutes) que chez les femmes non enceintes et non allaitantes (86 minutes) et chez celles donnant le biberon (63 minutes).
Une autre étude [2] qui s’était intéressé à la fatigue chez des mères primipares pendant les neuf premières semaines du post-partum, avait montré que le niveau de fatigue était modéré juste après la naissance, culminait à 3 semaines, puis diminuait ensuite nettement entre 3 et 6 semaines, et qu’il n’existait de ce point de vue aucune différence entre les mères qui avaient entre-temps arrêté d’allaiter et celles qui allaitaient toujours. Et l’on sait que, globalement, les mères qui allaitent bénéficient d’un meilleur état de santé général et gèrent mieux les stress que celles qui n’allaitent pas [3].

« Se sacrifier » rend plus heureux !

L’idée selon laquelle allaiter, cododoter, etc., représente un « sacrifice » semble donc bien une idée reçue. Mais quand bien même, admettons que sacrifice il y a. Eh bien, cela fait des parents plus heureux ! C’est en tout cas ce que dit une enquête réalisée l’an dernier auprès de 322 parents canadiens [4]. Dans une première étude, ceux-ci devaient indiquer sur une échelle leur degré de « centrage » sur l’enfant, puis répondre à un questionnaire destiné à mesurer à quel point le fait d’avoir des enfants les rendait heureux et donnait un sens à leur vie. Résultat : les parents plus « centrés » sur l’enfant étaient plus susceptibles de retirer bonheur et sens à la vie du fait d’avoir des enfants.

Émotions positives

Dans une deuxième étude, on a demandé aux participants de faire la liste de leurs activités du jour précédent, et de dire comment ils s’étaient sentis dans chacune d’elles. Là aussi, ce sont les parents qui étaient le plus centrés sur l’enfant qui ressentaient le plus d’émotions positives, le moins de négatives, notamment dans les activités en lien avec l’enfant. En outre, cela n’affectait pas négativement leur bien-être le reste du temps, ce qui suggère qu’une approche centrée sur l’enfant ne gêne pas le bien-être parental pendant les moments où le parent ne s’occupe pas de l’enfant.
Bien que ces résultats aillent à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle donner la priorité à l’enfant se fait toujours au détriment du bien-être des parents, pour les auteurs de l’étude, ils ne font que confirmer que « plus l’on donne de soin et d’attention aux autres, plus l’on en retire du bonheur et du sens à sa vie » et donc que « plus les parents s’investissent dans le bien-être de leur enfant, sont ‘centrés sur l’enfant’, plus le fait d’être parent leur apporte bonheur et sens à leur vie [5] ».
Je suis sûre que vous serez d’accord avec cette conclusion [6] !

 

[1] « Lactation is associated with an increase in slow-wave sleep in women », D. M. Blyton, C. E. Sullivan, N. Edwards, J Sleep Res, 2002 ; 11(4), p. 297-303.
[2] « Maternal fatigue in breastfeeding primiparae during the first nine weeks postpartum », K. A. Wambach, Journal of Human Lactation, 1998 ; 14(3), p. 219-229.
[3] Voir Les 10 plus gros mensonges sur l’allaitement, Dangles (2006), p. 37-51.
[4] « Parents Reap What They Sow: Child Centrism and Parental Well-Being », C. E. Ashton-James, K. Kushlev, E. W. Dunn, Social Psychological and Personality Science, 2013 ; 4 : 635-642.
[5] Ibid.
[6] Même si l’on peut discuter de ce que signifie être « centrés » sur l’enfant. Voir Passer du temps avec ses enfants.

 

Cette chronique est parue dans le n° 47 de Grandir autrement.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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