Féminisme et maternage, ça va très bien ensemble !

Féminisme et maternage, ça va très bien ensemble !

Contrairement aux stéréotypes en vigueur, il semble que les valeurs et les pratiques du maternage proximal s’accordent très bien avec celles du féminisme.

En juin dernier est paru une enquête très intéressante faite par deux professeurs associés de psychologie à l’University of Mary Washington (nord-ouest des États-Unis), Miriam Liss et Mindy Erchull [1].
431 femmes hétérosexuelles américaines ont répondu à un questionnaire en ligne sur ce qu’elles pensaient de trois pratiques caractéristiques d’un maternage proximal [2] (attachment parenting), à savoir l’allaitement prolongé, le cododo, et le portage intensif ; comment elles voyaient le fait d’imposer à l’enfant des horaires stricts ; et enfin ce qu’elles pensaient qu’une féministe répondrait à ces questions.
Elles étaient partagées en quatre groupes : féministes et mères (147 personnes), féministes et non-mères (75), mères non féministes (143), non-mères non féministes (66).

Des résultats étonnants

Résultat : les féministes étaient les plus susceptibles de soutenir les pratiques de maternage proximal, et les non féministes les plus susceptibles d’être partisanes d’horaires stricts pour les enfants !
Plus étonnant encore : les non féministes, plus particulièrement celles qui étaient mères, pensaient les féministes pas intéressées par les pratiques de maternage proximal.
Une perception complètement fausse partagée par les mères féministes qui pensaient elles aussi que les féministes ne soutenaient pas ces pratiques et se voyaient donc comme des féministes « atypiques » !
Ces résultats, qui doivent horrifier Élisabeth Badinter [3], ne peuvent que réjouir la vieille féministe que je suis, qui a toujours vu une continuité et une cohérence entre d’une part mes combats des années 1970, ma participation à des groupes de self-help [4], et d’autre part mes activités au sein de LLL, ma « défense et illustration » de l’allaitement en particulier et du maternage en général.

Pas de l’esclavage, de l’empowerment !

Loin d’être la méthode d’esclavagisation de la femme dénoncée par Élisabeth Badinter, le maternage proximal et l’allaitement ont toujours été pour moi, en plus bien sûr de la meilleure façon de répondre aux besoins du bébé, une source d’empowerment [5], susceptible de rendre les femmes plus fortes, plus affirmées, plus confiantes en leurs capacités.
Et je souscris pleinement aux raisons que donne la féministe américaine Penny Van Esterik pour intégrer l’allaitement dans les luttes féministes [6] :

  • l’allaitement suppose des changements sociaux structurels qui ne pourraient qu’améliorer la condition des femmes,
  • l’allaitement affirme le pouvoir de contrôle de la femme sur son propre corps, et met en question le pouvoir médical,
  • l’allaitement met en cause le modèle dominant de la femme comme consommatrice,
  • l’allaitement s’oppose à la vision du sein comme étant d’abord un objet sexuel,
  • l’allaitement exige une nouvelle définition du travail des femmes – définition qui prenne en compte de façon plus réaliste à la fois leurs activités productives et leurs activités reproductives,
  • l’allaitement encourage la solidarité et la coopération entre femmes, que ce soit au niveau du foyer, du quartier, au niveau national et international.

 

[1] Miriam Liss, Mindy J. Erchull, Feminism and Attachment Parenting : Attitudes, Stereotypes, and Misperceptions, Sex roles 2012 ; 67 (3-4) : 131-142, https://link.springer.com/article/10.1007/s11199-012-0173-z.
[2] J’emploie l’expression, bien qu’elle ne soit pas totalement satisfaisante, parce qu’on sait généralement ce qu’elle recouvre.
[3] Nul doute qu’elle pense qu’après avoir « infiltré » l’OMS, l’Unicef, les professionnels de santé, les écologistes, les politiques… (voir son ouvrage Le conflit. La femme et la mère, p. 118-126), La Leche League a AUSSI infiltré les féministes !
[4] Dans les années 1970 et 1980, groupes de femmes qui voulaient mieux connaître leur corps, se réapproprier leur santé, notamment leur santé reproductive et sexuelle.
[5] Terme anglais très difficile à traduire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Empowerment. Capacitation ? Pas très beau, non ?
[6] Voir mon article, paru en 2003 dans la revue Spirale et repris dans l’ouvrage Près du cœur. Témoignages et réflexions sur l’allaitement, L’allaitement est-il compatible avec le féminisme.

 

Cette chronique est parue dans le n° 37 de Grandir autrement.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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