Le bébé est bon pour le sein : allaitement et santé des femmes

Le bébé est bon pour le sein : allaitement et santé des femmes

On sait que l’allaitement, c’est bon pour la santé de l’enfant allaité. On sait moins que ça l’est aussi pour la santé de la mère qui allaite. Que ce soit à court ou à long terme, comme le montrent nombre d’études faites ces dernières années.

Moins de pertes de sang

Il est bien connu que les premières tétées et les contractions utérines qu’elles provoquent diminuent énormément les risques d’hémorragie de la délivrance et aident l’utérus à reprendre plus vite sa taille, sa forme et sa tonicité.
À plus long terme, l’allaitement entraîne une aménorrhée plus ou moins longue, qui bien sûr favorise l’espacement des naissances [1], mais réduit également le risque d’anémie en supprimant les pertes de sang et donc de fer. Ce qui pourrait en partie expliquer le meilleur état de santé général des femmes allaitantes constaté par plusieurs études [2].

Moins malades, mais encore ?

Voici quelques exemples de maladies où le fait d’être en train d’allaiter a un effet positif.

La lactation semble avoir un impact bénéfique sur tous les problèmes métaboliques liés à une intolérance au glucose, et sur le diabète patent. C’est également vrai pour les femmes ayant des antécédents de diabète gestationnel où une étude [3] a montré que les résultats des tests de tolérance au glucose étaient significativement moins bons chez les femmes qui n’allaitaient pas.

Les maladies auto-immunes provoquent souvent une fatigue chronique. Les mères qui en sont atteintes seront heureuses d’apprendre que des études récentes montrent que l’allaitement pourrait avoir un impact protecteur pour certaines d’entre elles. L’une d’elles a constaté un impact dose-dépendant de l’allaitement sur le lupus érythémateux disséminé (LED) : le degré de protection augmentait avec le nombre d’enfants allaités et la durée de l’allaitement.

Une grande étude prospective menée sur plus de 120 000 femmes [4] a quant à elle conclu qu’une durée totale d’allaitement supérieure à douze mois pourrait protéger vis-à-vis de la polyarthrite rhumatoïde.

L’allaitement pourrait également avoir un effet sur les allergies de la mère. Une étude de 2003 [5] a constaté que les mises au sein, la succion du bébé abaissaient les réponses allergiques chez les femmes atopiques, tant sur le plan clinique, avec modification des réactions cutanées, que sur le plan biologique, avec abaissement du taux de certains neuropeptides.

Et savez-vous qu’allaiter favorise la cicatrisation ? Une étude [6] a constaté que les blessures guérissaient plus vite chez des rates allaitantes que chez des rates à qui on avait enlevé leurs petits après la naissance : cinq jours après la blessure, la taille de la plaie était plus petite de 30 % chez les rates allaitantes. Les auteurs envisagent maintenant d’évaluer cet impact chez la femme, qui pourrait être important pour celles ayant subi une césarienne.

Les bienfaits à long terme

Contrairement à l’idée selon laquelle l’allaitement épuiserait l’organisme de la mère, il semble que, comme pour l’enfant, il a des effets bénéfiques à long terme sur la santé de celle-ci. Et là aussi de façon dose-dépendante : plus l’allaitement a duré, plus les effets sont importants. En voici quelques exemples.

Ostéoporose

La période d’allaitement s’accompagnant chez la femme d’une indéniable perte osseuse, certains en concluent trop vite que l’allaitement augmenterait le risque de souffrir d’ostéoporose à un âge avancé. Or il n’en est rien : les études ont montré que la femme retrouve une densité osseuse normale quelque temps après le sevrage, et ce même en cas d’allaitement prolongé. Mieux encore : des études faites sur des femmes ménopausées ayant allaité plusieurs enfants, ont montré que ces femmes avaient moins de fractures du col du fémur et de fractures vertébrales que la moyenne. Ainsi, une étude norvégienne portant sur près de 5 000 femmes âgées de 50 à 94 ans [7] a montré que celles qui avaient eu des enfants et n’avaient pas allaité avaient un risque deux fois plus élevé de fracture du col du fémur par rapport aux femmes qui avaient allaité, et que pour chaque période supplémentaire de 10 mois d’allaitement, le taux de fracture du col du fémur était abaissé de 12 %.

Cancer

Très nombreuses sont les études publiées ces dernières années qui montrent que l’allaitement diminue le risque des différents cancers féminins.

Les liens entre cancer du sein et non-allaitement ont été particulièrement étudiés. Ainsi, dans une étude de 2010 [8], par rapport aux femmes qui n’avaient pas allaité ou avaient allaité moins de 12 mois, le risque de cancer du sein était plus bas de 66,3 % chez celles qui avaient allaité entre 12 et 23 mois, de 87,4 % chez celles qui avaient allaité entre 24 et 35 mois, et de 94 % chez celles qui avaient allaité entre 36 et 47 mois. Pour chaque enfant allaité plus de douze mois, le risque était abaissé presque de moitié.

D’autres études ont montré une protection par rapport au cancer de l’utérus, au cancer des ovaires, et même au cancer du pancréas.

Diabète

Une étude avait montré en 2005 que l’allaitement diminuait le risque pour la mère de développer un diabète de type II. Les femmes qui avaient allaité au moins un an avaient environ 15 % de moins de risques que celles qui n’avaient pas allaité du tout, et chaque tranche de douze mois d’allaitement supplémentaire diminuait encore le risque de 15 %.
Une étude de 2008 portant sur 75 000 femmes chinoises âgées de 40 à 70 ans [9] a confirmé cette découverte et l’effet dose-dépendant : par rapport à l’absence totale d’allaitement, le risque de souffrir de diabète de type II était de 0,88 pour une durée totale d’allaitement allant jusqu’à douze mois, de 0,75 pour une durée entre trois et quatre ans, et de 0,68 pour une durée supérieure à quatre ans.

Maladies cardiovasculaires

Une étude [10] portant sur 140 000 femmes ménopausées a constaté que celles qui avaient allaité risquaient moins de souffrir de crises cardiaques, d’attaques cérébrales et de maladies cardiovasculaires, et que plus longtemps elles avaient allaité, plus le risque était diminué. Après un an d’allaitement, le risque d’hypertension chutait de 12 %, celui de diabète de 20 %, celui d’hypercholestérolémie de 19 %, et le risque global de maladie cardiovasculaire de 9 %.
Pour le Dr Eleanor Bimla Schwarz, l’un des auteurs de l’étude, la raison en serait que « l’allaitement remet les choses en place après la grossesse. Le corps s’attend à ce moment-là à des changements hormonaux et physiologiques, et lorsque ces changements ne se produisent pas, cela laisse certains systèmes corporels dans un état précaire ». Ajoutons que l’allaitement mobilise les réserves de graisse, a un effet sur le cholestérol, et augmente le taux d’ocytocine, ce qui pourrait avoir comme effet de relâcher les vaisseaux sanguins.

Alzheimer

Avoir allaité pourrait même protéger… de la maladie d’Alzheimer ! Une toute récente étude britannique [11] faite sur 81 femmes âgées de 70 à 100 ans a montré que celles qui ont allaité ont un risque plus faible, avec un effet dose-dépendant : plus les périodes d’allaitement ont été importantes, plus le risque de démence est réduit. Explication possible : le fait d’allaiter augmente la tolérance au glucose en restaurant la sensibilité à l’insuline après la grossesse. Or, la maladie d’Alzheimer se caractérise par une résistance à l’insuline dans le cerveau.

Alors, oui, on peut le dire : quand la mère allaite, elle ne fait pas seulement du bien à son bébé, elle s’en fait aussi à elle-même. Non seulement le sein est bon pour le bébé, mais, comme le dit le Québécois Pierre Lévesque, « le bébé est bon pour le sein » ! Ou, comme le disait l’un des chercheurs de l’étude sur le diabète de 2005 : quand on sait par ailleurs les avantages de l’allaitement pour la santé des bébés, encourager les mères à allaiter, « c’est vraiment du gagnant-gagnant d’un point de vue de santé publique ».

 

[1] C’est ce qu’on appelle la MAMA (Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée), qui, selon les Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme publiées en 2004 par l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé, devenue en 2005 la Haute Autorité de Santé, HAS), est, « lorsque l’allaitement est exclusif ou quasi exclusif, d’une efficacité comparable à celle d’une contraception orale ».
[2] Ainsi, dans une étude faite en 2000 (Mezzacappa ES, Guethlein W, Vaz N, Bagiella E, A preliminary study of breast-feeding and maternal symptomatology, Ann Behav Med 2000 ; 22(1) : 71-79) où 168 mères en cours d’allaitement et 65 mères ayant sevré leur enfant ont été interrogées, entre 4 et 208 semaines post-partum, sur les maladies dont elles avaient éventuellement souffert pendant leur allaitement, on a constaté une moindre fréquence de consultations pour fièvre ou pour maladie, et un niveau de stress plus bas. Plus la durée de l’allaitement était longue, moins la femme avait présenté de maladies pendant la durée de l’allaitement, et plus son niveau de stress avait été bas pendant cette période. L’allaitement était corrélé à un meilleur état de santé pendant toute sa durée, ainsi que pendant les mois qui suivaient le sevrage.
[3] McManus RM et al., Beta-cell function and visceral fat in lactating women with a history of gestational diabetes, Metabolism 2001 ; 50(6) : 715-19.
[4] Mahoney D, Breast-feeding may offer protection against the onset of rheumatoid arthritis, Ob Gyn News 2002 ; 37(24).
[5] Kimata H, Suckling reduces allergic skin responses and plasma levels of neuropeptide and neurotrophin in lactating women with atopic eczema/dermatitis syndrome, Int Arch Allergy Immunol 2003 ; 132(4) : 380-83.
[6] DeVries AC et Craft T, Breast-feeding promotes wound healing, Society for Neuroscience Annual Meeting, New Orleans, November 2003.
[7] Bjørnerem A et al., Breastfeeding protects against hip fracture in postmenopausal women: the Tromsø study, J Bone Miner Res 2011 ; 26(12) : 2843-50.
[8] De Silva M et al., Prolonged breastfeeding reduces risk of breast cancer in Sri Lankan women: a case-control study, Cancer Epidemiol 2010 ; 34(3) : 267-73.
[9] Villegas R et al., Duration of breast-feeding and the incidence of type 2 diabetes mellitus in the Shangai Women’s Health Study, Diabetologia 2008 ; 51 : 258-66.
[10] Schwarz EB et al., Duration of lactation and risk factors for maternal cardiovascular disease, Obstetrics &Gynecology 2009 ; 113(5) : 974-82.
[11] Fox M et al., Maternal Breastfeeding History and Alzheimer’s Disease Risk, Journal of Alzheimer’s Disease 2013, en ligne le 23 juillet.

 

Cet article a été publié dans le n° 44 de Grandir autrement.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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