Plus de lait !

Plus de lait !

Ma préface à l’édition française de l’ouvrage de Diana West et Lisa Marasco (Making more milk), Plus de lait ! (éditions L’Instant présent).

La peur de « manquer » de lait n’est pas nouvelle. Mais le « syndrome d’insuffisance de lait » semble, lui, de création assez récente. Il semble être apparu pour la première fois dans un article écrit en 1980 par Judith Gussler et Linda Briesemeister [1] qui (coïncidence ?!) étaient à l’époque employées par les Laboratoires Ross, l’un des plus gros fabricants de lait artificiel aux États-Unis.
Le Dr Arun Gupta, défenseur de l’allaitement en Inde, fait lui remonter la peur de manquer de lait aux années 1960, « quand les industries ont commencé à instiller le doute chez les femmes quant à leur capacité à produire du lait » [2].

Là où des efforts d’information et de soutien à l’allaitement sont faits, cette peur diminue. Au Pérou par exemple, 32 % des femmes citaient le « manque de lait » comme cause d’abandon de l’allaitement en 1991, contre 16 % en 2000. En Suède, c’était 65 % au début des années 1970. À l’époque, seules 7 % des mères allaitaient encore à 6 mois, contre 72 % d’allaitement exclusif à 6 mois en 2000. En France, le « manque de lait » arrive toujours en tête des raisons pour lesquelles on arrête d’allaiter : il était cité par 32,33 % des femmes interrogées dans un sondage de l’Institut des mamans de 2002.

Il n’en reste pas moins que des insuffisances de lait, ça existe.
Et c’est à ce problème qui s’attaque l’ouvrage de Diana West et Lisa Marasco Making more milk, aujourd’hui traduit en français sous le titre Plus de lait !
Elles s’y attaquent de façon particulièrement complète. En anglais on dirait comprehensive, c’est-à-dire qui « comprend » tout sur le sujet. Ce qui me permet de faire un petit jeu de mots en disant qu’en plus d’être complet, leur ouvrage est très compréhensible et accessible.
Il pourra aider aussi bien une mère confrontée à une insuffisance de lactation qu’une femme attendant un nouveau bébé et qui, ayant vécu le problème pour un précédent allaitement, cherche des solutions pour éviter que cela ne se reproduise.
Il sera également une aide précieuse pour toutes les personnes amenées à accompagner un allaitement : animatrices de groupes de mères, consultantes en lactation, professionnels de santé impliqués.

Après un chapitre très développé sur ce qu’on sait aujourd’hui de l’anatomie du sein lactant et de la physiologie de la lactation, il traite bien sûr des insuffisances que j’appelle « induites », c’est-à-dire causées par une mauvaise conduite de l’allaitement. En effet, quand une mère manque de lait dans les premiers temps de l’allaitement, c’est très souvent parce qu’elle a suivi les conseils erronés qu’elle a reçus : mise au sein retardée, séparation d’avec le bébé pour la nuit, limitation du nombre des tétées, limitation de la durée des tétées, respect absolu d’un écart minimum entre les tétées, etc. D’où l’importance du démarrage, voire de l’ »avant-démarrage » puisque les auteures parlent de l’intérêt d’exprimer un peu de colostrum avant même la naissance de l’enfant [3].

Surtout, il aborde toutes les causes possibles d’une insuffisance primaire (après avoir expliqué comment savoir si le bébé reçoit ou pas assez de lait) : mauvais développement de la glande mammaire dès la vie embryonnaire ou à la puberté, trouble hormonal important, problème thyroïdien, anémie, intervention chirurgicale sur les seins… Sans compter tous les perturbateurs endocriniens qui touchent toutes les femmes et pourraient expliquer l’augmentation récente des cas d’insuffisance de lactation.

Et bien sûr, pour tous ces cas de figure, l’ouvrage propose des solutions possibles. Tout en avertissant que, parfois, la solution ne marchera pas à 100 %, et en donnant un message avec lequel je ne peux qu’être d’accord : l’allaitement, ce n’est pas du tout ou rien. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas suivre la recommandation de l’OMS des six mois d’allaitement exclusif qu’il faut tout laisser tomber… Comme je dis souvent, toute dose d’allaitement est bonne à prendre !

Ah, j’oubliais : l’ouvrage ne s’intéresse pas seulement à la fabrication du lait, mais aussi à sa « livraison » (le réflexe d’éjection et comment il peut être perturbé), et il détaille ce qui peut se passer dans certaines situations (reprise du travail, naissance prématurée, naissance de multiples, relactation…).

Je vous le disais : voilà un livre qui couvre vraiment tous les aspects de ce que les auteures appellent l’ »équation du lait » (un tissu glandulaire suffisant + des voies nerveuses et des canaux lactifères intacts + des hormones et des récepteurs hormonaux adéquats + une stimulation et une extraction du lait efficaces et fréquentes = une bonne production lactée) et de tout ce qui peut perturber un des membres de cette équation.

Alors, bonne lecture et bon allaitement !

 

[1] Gussler JD, Briesemeister LH, The insufficient milk syndrome: a biocultural explanation, Medical Anthropology 1980 ; 4 : 145-174.
[2] BFHI News, avril-juin 2001.
[3] Diana West en avait parlé lors de son intervention « Accroître la production lactée » à la Journée internationale de l’allaitement 2013. Voir sur le site de LLL France Exprimer du colostrum avant la naissance.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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