Un bébé allaité à la crèche

Un bébé allaité à la crèche

Le texte qui suit est quasiment historique : il a été écrit pour des interventions que j’ai faites à plusieurs reprises dans une crèche de Seine-Saint-Denis dans les années 1990.
Je suis heureuse de constater que, trente ans après, je pourrais écrire la même chose.

Pourquoi suis-je ici pour vous parler d’un tel sujet, alors que vous voyez rarement des bébés allaités à la crèche ?
C’est d’abord mon expérience personnelle, puisque j’ai deux garçons, maintenant bien grands, qui ont continué à téter alors qu’ils allaient à la crèche.
Ensuite, j’espère que les bébés allaités seront de moins en moins des oiseaux rares dans les crèches, et que vous en aurez dans vos groupes. Vous-mêmes pouvez faire beaucoup pour que ce soit possible.

Si l’on voit si peu de bébés allaités dans les crèches, c’est à cause d’une idée dominante dans notre société selon laquelle reprise du travail de la mère = sevrage définitif de l’enfant.
En fait, il est tout à fait possible de poursuivre l’allaitement après la reprise du travail.

Quels sont les avantages ?

D’abord les avantages liés au lait maternel. Même quelques tétées par jour (le matin, le soir, le week-end, éventuellement la nuit) continuent à apporter des nutriments parfaitement équilibrés, des anticorps, plein de bonnes choses qui ne se trouvent pas dans le lait artificiel. La protection anti-infectieuse apportée par les anticorps est particulièrement importante pour un enfant vivant en collectivité.
Ensuite, contrairement à ce que l’on croit souvent, c’est moins de fatigue pour la mère. Un allaitement bien installé ne fatigue pas. Et l’on n’a pas à préparer des biberons ou des petits plats « spécial bébé ». Le bébé peut prendre son petit déjeuner alors qu’on est encore bien au chaud dans son lit…
Et puis, c’est le moment où l’on peut profiter à plein de l’allaitement sans tous les petits soucis qui peuvent survenir dans les 2/3 premiers mois.
Enfin, on atténue beaucoup la souffrance de la séparation chez le bébé et chez la mère. Tous deux savent qu’ils ont toujours ce lien si spécial qui les unit depuis la naissance. À son travail, la mère sent ses seins pleins de lait pour son bébé. Elle sait qu’elle est la seule à pouvoir faire cela pour lui. Toutes les femmes qui ont vécu cette expérience parle de la joie de la « tétée de retrouvailles », qui a lieu bien souvent avant même le retour à la maison, à la crèche ou chez la nourrice.

Quelles sont les conditions pour réussir ?

D’abord savoir que c’est possible. C’est très important, et cela peut être à vous d’informer la femme qui vient avec son nouveau-né qu’elle allaite de cette possibilité.
Évidemment, plus le bébé est âgé, plus c’est facile. De même, c’est plus facile avec un travail à temps partiel, et pas trop de temps de transport. Mais on peut aussi y arriver avec un bébé de 2 mois ½ et un travail à plein temps.
Il n’y a pas besoin de « préparer » le bébé avant. On peut très bien allaiter à plein temps jusqu’au dernier moment. Le bébé accepte souvent très mal le biberon tant qu’il n’en voit pas la « nécessité », alors qu’il l’acceptera de la personne qui le garde.
Pour les seins de la mère, l’adaptation se fait aussi très vite. Il y aura peut-être quelques « fuites » les premiers jours, et si l’on sent les seins trop tendus, on peut les presser un peu dans la journée pour exprimer le trop-plein.

Les bébés allaités à la crèche

En général, ce sont des bébés vifs, alertes, débrouillards. Il se peut qu’ils dorment moins que la moyenne. S’ils ont été habitués à un allaitement à la demande, il est possible que, les premiers temps, ils ne suivent pas un horaire alimentaire très régulier, mais ils vont rapidement s’adapter aux horaires de la crèche, même s’ils continuent à téter à la demande à la maison.
Certaines mères souhaitent que l’enfant continuent à recevoir leur lait à la crèche. Elles vont donc en tirer régulièrement et le donner au personnel. Ce lait peut être conservé jusqu’à 8 jours au réfrigérateur. Pour le réchauffer, il suffit de le passer sous l’eau chaude (ou au bain-marie ; pas de micro-ondes). Si la « crème » s’est séparée, il suffit de l’agiter un peu.
Il est important que la mère qui allaite se sente acceptée, qu’on n’accuse pas l’allaitement si la séparation est difficile, qu’elle ne soit pas poussée à sevrer parce que l’enfant est jugé « trop grand » pour téter, qu’elle puisse donner la tétée à la crèche le matin avant de partir, le soir quand elle vient chercher l’enfant, voire dans la journée si son lieu de travail est proche.
Contrairement à ce que l’on croit souvent, cela ne fera pas un enfant plus dépendant, « accroché » aux jupes de sa mère !

L’illustration est un morceau de la première édition de la plaquette des crèches de la Ville de Paris.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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