Harcelés et harceleurs

Harcelés et harceleurs

Ces derniers temps, on a beaucoup parlé du harcèlement que peuvent subir les jeunes à l’école, au collège, au lycée… Cela n’est pas nouveau. On a toutes et tous des souvenirs soit d’avoir été harcelé·e, soit d’avoir assisté sans (pouvoir) rien faire au harcèlement d’un autre, soit (pire) d’y avoir plus ou moins participé.
Mais il est vrai que le développement des réseaux sociaux a donné au harcèlement scolaire une autre dimension : il déborde de l’enceinte de l’école et peut maintenant s’exercer H24 en tout lieu, jusque dans la maison, qui n’est plus alors le lieu de refuge et de protection qu’elle devrait être. Et l’on entend régulièrement parler de jeunes qui ont fini par se suicider, seul moyen qu’ils ont trouvé pour échapper à cette mise au pilori permanente [1].
Mais qu’est-ce qu’une parentalité sans violence (titre de cette chronique) a à voir avec tout cela ?

Ne pas créer des harceleurs

Dans un premier temps, je dirais qu’on peut espérer qu’une parentalité « bienveillante » (j’emploie ce terme faute de mieux) a beaucoup plus de chance de développer chez l’enfant sa capacité d’empathie. Les bébés ont une capacité innée d’empathie, mais, comme je l’écrivais dans ma chronique de GA n° 55, « cette capacité innée de “se mettre à la place de l’autre” en ressentant ses émotions a besoin, pour se développer, d’être nourrie par une relation avec des adultes empathiques ».
Un enfant, un jeune capable d’empathie a beaucoup moins de risque de devenir un harceleur, de participer à un harcèlement, puisqu’il va ressentir la souffrance vécue par le harcelé.
On peut même penser qu’il sera plus à même de savoir quoi faire pour faire cesser le harcèlement. Notamment en en parlant à des adultes, parents ou enseignants.

Et si l’on est harcelé ?

Avoir des parents « bienveillants » n’est malheureusement pas une garantie à 100 % de ne jamais subir soi-même de harcèlement. Mais l’on peut penser que la relation de confiance que l’enfant a dans ce cas avec eux fera en sorte qu’il pourra leur en parler et leur demander leur aide.
Contrairement à tous ces cas où les parents découvrent avec horreur que leur enfant était harcelé depuis des mois sans qu’ils se doutent de rien.
Des parents « bienveillants » peuvent également valoriser leur enfant, lui montrer que ce pour quoi il est moqué (souvent le fait de ne pas être « dans la norme » : trop petit, trop grand, trop roux… que sais-je), c’est ce qui fait sa valeur, son caractère unique : « Tu es quelqu’un de spécial ! » [2]

Les systèmes qui favorisent le harcèlement

Mais le harcèlement n’est pas qu’un problème individuel : certaines formes d’organisation sont plus susceptibles de le voir fleurir (et de fermer les yeux dessus). Notamment, je pense, les lieux où règne une hyper-compétitivité. Savez-vous par exemple que Singapour, dont on vante le taux de réussite scolaire, est aussi le troisième pays avec le plus haut taux de harcèlement scolaire [3] ?
En France, 18 % d’élèves se déclarent victimes de harcèlement. Près d’un jeune sur cinq… [4]

 

[1] Voir par exemple le téléfilm Marion, 13 ans pour toujours, diffusé sur France 3 en septembre 2016.
[2] Voir ce que dit l’humoriste Laura Calu dans la vidéo Le harcèlement scolaire.
[3] Voir une vidéo ici : https://limportant.fr/infos-societe/9/t/1203622 (attention, images choquantes).
[4] Les chiffres de l’enquête Pisa de 2015 : https://www.la-croix.com/Famille/Education/Harcelement-scolaire-nous-avons-ete-surpris-lampleur-phenomene-2018-03-30-1200928107

Cette chronique est parue dans le n° 72 de Grandir autrement.

À lire :

  • le rapport sur les violences sexistes à l’école fait par quatre sociologues qui ont interrogé 47 000 élèves, de la primaire au lycée : Eric Debarbieux, Arnaud Alessandrin, Johanna Dagorn et Olivia Gaillard, Les violences sexistes à l’école. Une oppression viriliste. Observatoire européen de la violence à l’école. 2018 (à paraître). Voir l’article de Libération, Violences sexistes à l’école, 1er juin 2018.
  • le dossier du site atlasocio.com Harcèlement scolaire : 130 millions de victimes à travers le monde, avec une carte du taux de harcèlement scolaire dans les différents pays.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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