L’allaitement et les dents

L’allaitement et les dents

L’allaitement n’est pas cariogène

Régulièrement, des mères de bambins allaités se font dire par le dentiste que si leur enfant a des caries, c’est parce qu’elles les allaitent encore, et notamment la nuit. Certains vont jusqu’à refuser de soigner l’enfant tant que la mère ne l’a pas sevré, au moins des tétées nocturnes… Pourtant, si l’on étudie la littérature sur le sujet, on s’aperçoit que nombre d’études [1] ont exonéré l’allaitement de toute responsabilité.

En fait, la plupart des dentistes extrapolent à l’allaitement le « syndrome du biberon » où des enfants qui pendant de longues heures, voire parfois toute la nuit, tètent des biberons de lait ou de boissons sucrées, développent des caries au point de se retrouver vers 3 ou 4 ans complètement édentés. C’est méconnaître les différences entre l’allaitement et le biberon (le lait de femme n’abaisse pas de façon significative le pH à l’intérieur de la bouche, il contient de nombreux facteurs antibactériens, et la mécanique de la tétée fait qu’il est très improbable que du lait stagne longtemps dans la bouche du bébé).

Il n’en reste pas moins qu’on voit régulièrement des bambins allaités avec des caries. Si l’allaitement n’est pas en cause, comment cela s’explique-t-il ? Eh bien, par les causes qu’on retrouve chez tous les enfants, allaités ou pas : défauts de l’émail, héréditaires ou congénitaux (dus à quelque chose qui s’est passé pendant la grossesse : fièvre, maladie, stress, prise de médicaments, mauvaise alimentation) ; naissance prématurée ; fièvres chez l’enfant ; mauvaise hygiène buccale ; abus d’aliments et de boissons sucrés (sans oublier le sucre contenu dans nombre de médicaments pédiatriques) ; infection par le S. mutans. Depuis peu, on soupçonne également l’exposition aux perturbateurs endocriniens (depuis la fin de la vie fœtale jusqu’aux 5 ans de l’enfant).

Selon une étude parue en février 2019 dans le JDR Clinical & Translational Research, « les meilleures preuves disponibles indiquent que l’allaitement maternel jusqu’à l’âge de 2 ans n’augmente pas le risque de caries ».

Une autre étude parue dans les Archives de pédiatrie (en ligne le 1er novembre 2019), est arrivée aux conclusions suivantes : « L’allaitement maternel jusqu’à l’âge de 1 an n’est pas associé à un risque accru de carie dentaire et peut même offrir une protection par rapport à une alimentation avec du lait artificiel. En revanche, les nourrissons allaités au-delà de 12 mois présentent un risque accru de carie. Cependant, les résultats proviennent d’études hétérogènes qui ne tiennent pas toujours compte de facteurs contradictoires tels que les habitudes alimentaires de la mère ou du nouveau-né (alimentation de nuit, nombre de repas par jour, consommation de mets sucrés, etc.), l’hygiène dentaire ou le contexte socioculturel. En outre, les recommandations les plus récentes des associations de pédiatres et de dentistes recommandent l’allaitement maternel jusqu’à l’âge de 2 ans, suggérant que cela s’accompagne d’un brossage des dents et d’une meilleure nutrition en réduisant la fréquence et la consommation d’aliments sucrés, dans le but d’aider les parents à choisir un allaitement prolongé. »

Des dents bien alignées

L’allaitement, par la gymnastique des mâchoires qu’il suppose, permet un bon développement de celles-ci et un bon positionnement des arcades dentaires. Ainsi, une étude faite sur 1 400 enfants brésiliens âgés de 3 à 6 ans [2] a montré que la prévalence de l’articulé croisé postérieur au niveau des dents de lait (je sais, les termes sont assez abscons, mais sachez que cela entraîne un risque de croissance asymétrique des mâchoires et d’usure asymétrique des dents) était inversement corrélée à la durée de l’allaitement : 31,1 % chez ceux qui n’avaient pas été allaités, 22,4 % chez ceux qui avaient été allaités moins de six mois, 8,3 % chez ceux qui l’avaient été entre six et douze mois, et seulement 2,2 % pour ceux qui avaient tété plus de douze mois.

En 2009, la Fédération française d’orthodontie a publié un communiqué disant que  « L’allaitement prolongé, de six à douze mois, peut constituer un moyen de prévention simple et agréable de ces malpositions si répandues de nos jours ». Simple et agréable, en effet !

 

[1] Par exemple : Iida H et al, Association between infant breastfeeding and early childhood caries in the United States, Pediatrics, 2007 ; 120(4) : e-944-52.
[2] Kobayashi HM et al, Relationship between breastfeeding duration and prevalence of posterior crossbite in the deciduous dentition, Am J Orthod dentofacial Orthop, 2010 ; 137 : 54-8.

 

Extraits de L’allaitement de A à Z, collection 1001 bébés, Érès, 2018.

Voir aussi sur le site LLL le dossier Dents et allaitement

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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