Touche pas à mon zizi ! Décalottage, un geste à éviter

Touche pas à mon zizi ! Décalottage, un geste à éviter

Beaucoup de gens croient toujours utile, voire nécessaire, de décalotter régulièrement le pénis des petits garçons, afin de prévenir un possible phimosis et/ou pour des raisons d’hygiène. Beaucoup de médecins donnent ce même conseil, se permettant même parfois, lors d’une visite de routine et sans prévenir les parents au préalable, de décalotter eux-mêmes l’enfant.

C’est ce qui est arrivé, il y a près de quarante ans, à mon aîné alors âgé de 18 mois. À un moment au cours de la consultation, sans aucun préavis, la pédiatre l’a brutalement décalotté. Il a bien sûr eu très mal sur le moment, et pendant les deux jours qui ont suivi, il ne supportait plus rien qui soit en contact avec son pénis (par exemple une couche, alors qu’il en portait encore à l’époque).

Depuis, j’ai régulièrement entendu, et je continue d’entendre, des mères raconter le même genre d’histoire. C’est pourquoi, quand je rencontre une mère de bébé garçon, je fais de la « prévention » en lui expliquant ce qui suit. Car, pour pouvoir empêcher ce geste de la part du médecin, il faut être au courant et lui avoir dit dès le départ : « Je ne souhaite pas que vous décalottiez mon petit garçon. » Ou plus carrément : « Ne touchez pas au zizi de mon garçon ! » Sinon, ça risque d’être trop tard…

Comme l’a écrit Aldo Naouri [1] (au moins sur ce sujet, il ne dit pas de bêtises…) : « Trop de manuels et d’articles de puériculture conseillent encore aux mères de décalotter (ou tenter de décalotter) régulièrement le pénis de leurs petits garçons ; trop de pédiatres pratiquent encore, en toute bonne conscience (et sans prévenir les parents à l’avance), un décalottage brutal à l’occasion d’une visite de routine, pour qu’on ne prenne pas la peine d’informer les parents : ces décalottages, qu’ils soient doux ou brutaux, ne font que blesser et déchirer, créant des séquelles physiques et psychologiques. Alors qu’il aurait été si simple d’attendre et de voir venir… »

Des « adhérences » ?

Les adhérences préputiales sont presque toujours présentes à la naissance, et ce ne sont pas des phimosis. Il est normal que, chez le bébé, le prépuce soit collé à la muqueuse du gland. Si le méat (l’orifice pour uriner) est libre, il n’y a aucun souci à se faire. Le décalottage se fera tout seul avant la puberté, car les érections spontanées du tout-petit permettront d’élargir petit à petit le prépuce et de le décoller (sans compter les tripotages auxquels se livrent la plupart des petits garçons).

Naouri, encore : « À la naissance, la verge du petit garçon est un organe qui n’a pas achevé son développement, lequel se poursuivra tout le long de la petite enfance, de l’enfance et de la préadolescence […] Chez 95 % des nouveau-nés, l’orifice préputial est serré. On voit mal pourquoi ce qui est si répandu serait autant ignoré et dénié dans son caractère de “normal”. Par ailleurs, le feuillet interne du prépuce n’est pas encore clivé du feuillet superficiel du gland, et ce sont les processus progressifs de développement qui en assureront la différenciation. Cette différenciation se fera plus ou moins vite, ce qui est interprété abusivement comme l’existence “d’adhérences” ! »

Hygiène ?

Je citerai ici Martin Winckler, qui balaie ainsi les arguments hygiéniques : « Les sécrétions préputiales sont aussi normales que les sécrétions vulvaires chez la petite fille, et on n’a jamais prôné le “nettoyage” des vulves de petite fille au coton-tige – mais j’ai vu des mères essayer de passer un coton-tige sous le prépuce de leur fils parce qu’un médecin leur avait dit de le faire ! Le prépuce est “auto-nettoyant”. L’orifice du prépuce est serré à la naissance pour justement éviter que des poussières s’introduisent dedans. Le décalotter (donc, le dilater de force), c’est anti-naturel. » [2]

En fait, explique un article de la revue Prescrire [3] : « Pendant la petite enfance, les cellules épithéliales du prépuce desquament et contribuent à former une substance blanche appelée smegma, qui s’accumule entre le gland et le prépuce. Le smegma participe au décollement du prépuce. Aucun argument clinique ne justifie l’évacuation du smegma. »

Les risques du décalottage

En plus de faire mal et d’être inutile, vouloir à toute force décalotter, que ce soit doucement ou pas, peut être dangereux, provoquer une inflammation chronique ou aiguë de la surface muqueuse du prépuce (balanite), des déchirures, des adhérences, des cicatrices (anneau préputial), voire… un paraphimosis (phimosis provoqué).

Comment ? Winckler explique : « Je vous décris le tableau : une maman a voulu décalotter un petit garçon (en général dans son bain). Le tripotage a entraîné une érection après le décalottage. Du coup, le prépuce en “col roulé” serre le gland, qui gonfle et devient violet. Le gamin hurle. Comme il est dans un bain tiède, ça s’aggrave… Bref, on appelle le médecin, et là, de deux choses l’une. Ou bien il panique et envoie le gamin à l’hôpital, ou bien il connaît le problème et le résout très simplement : il ne faut pas tirer sur le prépuce pour le recalotter (ça ne marche pas), il faut d’abord vider la baignoire, ensuite lui verser de l’eau un peu plus froide (pas glacée) sur le pénis, en comprimant tout doucement le gland gonflé. Le froid dégonfle la verge, et le gland rentre tout seul dans le prépuce… »

Et si c’est un vrai phimosis ?

D’après Prescrire, les véritables phimosis, le plus souvent congénitaux, sont rares (environ 8 % des enfants de 6 à 7 ans, et seulement 1 % des adolescents de 16 à 18 ans) et la plupart disparaissent spontanément. Si ce n’est pas le cas, des tractions douces du prépuce effectuées par le garçon, plus l’application d’un dermocorticoïde,  permettront de les faire disparaître. Ils nécessitent très rarement un geste chirurgical [4].

Concluons donc avec Aldo Naouri (je ne l’aurai jamais autant cité !…) : « Sur une verge d’enfant, il ne faut RIEN faire, RIEN. Ni tirer doucement, ni tirer fortement. Ni dilater ni faire coulisser. Il n’y a pas plus à faire que sur le bout du nez ou sur les doigts de pied. »

 

[1] Dans L’Enfant bien portant, éditions du Seuil, 1999. Dans l’édition de 2004 : www.aldonaouri.com/textes/faut_il.pdf
[2] Martin Winckler, « Touche pas à mon prépuce »
[3] « Prépuces non rétractables. Résolution spontanée des adhérences, et souvent des phimosis », septembre 2012, tome 32, n° 347, p. 684-686. Voir aussi dans Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Smegma) : « Chez l’enfant en bas âge, la sécrétion de smegma permet ou favorise le “décollement” du prépuce par rapport au gland, solidaires dès la naissance et jusqu’à l’âge de deux à quatre ans, en diminuant le risque de phimosis. Il servirait ensuite à nettoyer et lubrifier les organes génitaux masculins et la base du gland, tout en participant à la signature odorante individuelle. »
[4] Voir sur le site de Sparadrap, « Les principales maladies du zizi chez le petit garçon »

 

À lire : le dossier de Sparadrap sur le sujet : Décalotter ou pas le zizi de mon petit garçon ?

À  voir : les explications très claires et en images de Benoit Legoëdec, sage-femme, Le décalottage du petit garçon.

Article paru dans Grandir autrement n° 58, mai-juin 2016. À télécharger ici : decalottage_GA

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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